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2024

Décomposition sous la loupe

Des chercheuses et chercheurs de l’Université de Berne ont étudié la décomposition de cadavres de porcs dans la nature. Il en est ressorti que la méthode d’évaluation standard utilisée jusqu’ici devait être adaptée en Suisse, ce qui a des répercussions sur les analyses médico-légales. La méthode présentée par l’équipe de recherche doit maintenant aider à mieux évaluer la datation des cadavres.

Un cadavre se décompose à l’aide de divers organismes comme les bactéries intestinales, les mouches, les asticots ou les coléoptères, ce qui complique la datation des corps morts en médecine légale : plus la décomposition est avancée, plus il est difficile de déterminer l’heure de la mort. Plusieurs méthodes visent donc à corréler l’état de décomposition avec la datation du cadavre. Pour ce faire, le corps est divisé en trois zones (la tête et le cou, le tronc et les extrémités) et l’état est évalué au moyen d’un système de points. Les trois zones sont ensuite ajoutées au Total Body Score (TBS). 

Grâce à certaines formules, les spécialistes de la médecine légale peuvent utiliser ce Total Body Score pour remonter à la période du décès dans les cas médico-légaux. Cependant, ces calculs sont souvent imprécis, principalement en raison des facteurs environnementaux de l’endroit où repose le cadavre. Sandra Lösch, du département d’anthropologie de l’Institut de médecine légale de l’Université de Berne, explique : « Il est donc nécessaire de réaliser des essais dans un environnement contrôlé et d’étudier ces facteurs. » De tels essais sur des cadavres humains sont possibles à certains endroits, mais pas dans la plupart des pays. C’est pourquoi on utilise des carcasses d’animaux, de préférence des porcs domestiques. « Bien que la décomposition d’êtres humains et de porcs diffère à bien des égards, on peut néanmoins tirer des enseignements importants de ces essais, qui peuvent améliorer les méthodes médico-légales », explique Sandra Lösch. 

Autres régions, autre décomposition 

Une étude publiée récemment dans le Journal of Forensic Sciences, réalisée par une équipe de recherche internationale sous la direction de Berne, a analysé les processus de décomposition du porc en Suisse et les a comparés à une étude similaire en Afrique du Sud. « Il n’est pas surprenant que les processus de décomposition diffèrent entre la Suisse et l’Afrique du Sud. Nous décrivons toutefois pour la première fois en quoi consistent ces différences et avons ainsi pu développer un modèle adapté à la Suisse. », explique Lara Indra, du département d’anthropologie à l’Institut de médecine légale de l’Université de Berne et auteure principale de l’étude.  

Les chercheuses et chercheurs ont démontré que le modèle sud-africain – qui examinait la décomposition sous un climat chaud et sec dans une zone délimitée – n’était pas adapté à la Suisse. Les différences s’expliquent par une colonisation rapide et importante des carcasses suisses par des asticots, elles sont soumises à des pluies fréquentes et attaquées par des charognards, tels que des renards, lors de l’essai bernois. Ces influences modifient le déroulement et la durée de la décomposition, par exemple les vers accélèrent considérablement le processus. Les chercheuses et chercheurs de l’Université de Berne ont étudié en premier le modèle sud-africain d’évaluation des degrés de décomposition (jusqu’ici le seul modèle au monde pour les carcasses de porc exposées) pour une autre région. Les résultats montrent qu’il faut tenir compte des différences régionales dans les modèles d’évaluation des degrés de décomposition. « Etant donné que c’est justement cette évaluation qui constitue la pierre angulaire du calcul de la période de décès, un modèle adapté augmente notablement la précision », explique Lara Indra. 

Dater la mort étape par étape 

La décomposition des cadavres dépend de l’endroit où ils se situent, par exemple, en plein air, exposés ou non à la lumière du soleil, dans un environnement sec ou humide. « Les effets de ces influences extérieures sur le processus de décomposition doivent être mieux étudiés afin de déduire la date de la mort par rapport à l’état d’un cadavre », indique Lara Indra. C’est là une part importante de son travail : « En raison des conditions géographiques de la Suisse, nous traitons régulièrement des cas médico-légaux qui sont restés longtemps dans la nature avant d’être découverts », explique Sandra Lösch. Il peut s’agir, par exemple, de personnes qui meurent lors d’une randonnée en montagne dans une région éloignée et qui ne sont découvertes qu’après des années. « Des déclarations plus précises relatives au moment du décès aident, d’une part, les autorités cantonales à traiter des cas et, d’autre part, les proches des victimes à recevoir des informations plus précises sur le sort des personnes disparues », conclut Sandra Lösch. 

Informations relatives à la publication :  

Indra, L., Giles, S., Alfsdotter, C., Errickson, D., and Lösch, S. Evaluation of porcine decomposition and total body score (TBS) in a central European temperate forest. J For Sci (2024). DOI: 10.1111/1556-4029.15497

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1556-4029.15497  

Département d’anthropologie de l’Institut de médecine légale 

A l’Institut de médecine légale de Berne, le département d’anthropologie examine les momies, les squelettes et les fragments d’os dans le contexte de questions de médecine légale et d’histoire culturelle. La recherche se concentre sur l’identification de morts inconnues et la détermination des causes de la mort dans le contexte médico-légal. L’environnement archéologique traite de questions scientifiques sur la composition de la population, la prévalence de maladies, l’alimentation, la stratification sociale et l’origine des populations. Le département d’anthropologie utilise les méthodes suivantes pour l’étude du matériel provenant de différentes régions et contextes temporels : diagnostics morphologiques et histologiques en anthrophologie, spectrométrie de masse de rapports isotopiques stables, analyses d’ADN à grande échelle et méthodes d’imagerie. 

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06.03.2024