Le jet-stream responsable des conditions météorologiques extrêmes

Les conditions météorologiques et climatiques extrêmes telles que les sécheresses et les inondations en Europe sont liées à des déplacements du jet stream au-dessus de l’Atlantique. C’est ce que montre une reconstitution du jet stream au-dessus de l’Atlantique et de l’Europe au cours des 600 dernières années élaborée par des chercheurs de l’Université de Berne.

Les courants-jets, également couramment désignés par le terme anglophone de « jet stream », sont des vents forts situés à une hauteur d’environ 10 kilomètres qui peuvent atteindre jusqu’à 500 km/h. Le courant-jet polaire est notamment important pour la météo en Europe. Il s’agit d’un vent d’ouest puissant dans la zone au climat tempéré au-dessus de l’Atlantique Nord et de l’Europe occidentale. Il est à même de diriger de l’humidité et des systèmes météorologiques, lesquels peuvent entraîner des inondations, de l’Atlantique vers l’Europe. À l’inverse, des déplacements de ce jet stream atlantico-européen peuvent provoquer des sécheresses en Europe centrale. Le changement climatique en cours pourrait modifier les propriétés du courant-jet et donc influencer l’apparition de conditions météorologiques extrêmes. Mais il n’existe aucune longue série de données à ce sujet. Pour cette raison, nous ne connaissons pas l’ampleur des fluctuations réelles du jet stream et nous ne savons pas dans quelle mesure le lien avec les conditions météorologiques extrêmes est étroit.

Afin d’étudier ce phénomène, un groupe de recherche dirigé par Stefan Brönnimann, professeur de climatologie à l’Institut de géographie et au Centre Oeschger pour la recherche climatologique de l’Université de Berne, a rassemblé, numérisé et analysé pendant cinq ans des dizaines de milliers de données issues d’archives pour la période comprise entre 1421 et 2023. En font partie, par exemple, d’anciennes séries de mesures, des documents historiques sur la date de gel des rivières et des archives climatiques comme les cernes des arbres ou les carottes de glace. Dans leur étude qui vient d’être publiée dans la revue spécialisée Nature Geoscience, l’équipe de recherche montre le phénomène suivant : les fluctuations du jet stream sont majoritairement aléatoires, mais ont des conséquences importantes.

Les fluctuations aléatoires dominent

Stefan Brönnimann explique : « les sécheresses et les inondations, telles que nous les avons vécues au cours des dernières années, sont rares », avant de poursuivre : « il est donc important d’analyser les évènements passés afin de déterminer leur relation avec les modifications du jet stream atlantico-européen ». Il est particulièrement crucial de mieux comprendre le rôle du jet stream dans l’apparition de conditions météorologiques extrêmes, car tant les sécheresses que les inondations sont devenues plus fréquentes ces derniers temps et leur ampleur va probablement encore augmenter avec le changement climatique.

Les résultats les plus importants de l’étude concernent les causes de ces modifications : certes, les facteurs tels que les éruptions volcaniques ou le phénomène El Niño exercent une influence, mais celle-ci est faible. Les déplacements de la force, de la latitude géographique et de l’inclinaison du jet stream se produisent principalement de manière aléatoire, en tant que conséquence des fluctuations naturelles de la circulation atmosphérique.

Jusqu’à présent, le changement climatique n’impacte pas le jet stream

Toutefois, certaines situations peuvent se succéder de façon fréquente. « Certains évènements extrêmes, comme les inondations, ne durent que quelques jours, mais les situations météorologiques qui en sont responsables se répètent et caractérisent alors souvent une saison entière », explique Stefan Brönnimann, « c’est ce que nous constatons également lors d’événements extrêmes historiques ».

Cependant, le changement climatique ne se manifeste pas encore dans les fluctuations du jet stream. Stefan Brönnimann déclare : « bien que les fluctuations soient plus importantes ces derniers temps, elles sont comprises dans la gamme des modifications que nous avons reconstituées pour les 600 dernières années ». L’étude maintenant disponible est le résultat le plus important d’un projet de recherche, pour lequel Stefan Brönnimann a reçu une prestigieuse « Advanced Grant » (subvention avancée) du Conseil européen de la recherche ERC.

Lien entre les données et les simulations climatiques

Non seulement la meilleure compréhension du jet stream est nouvelle, mais aussi les méthodes avec lesquelles ces connaissances ont été acquises. Le courant-jet a été analysé au moyen d’une reconstitution climatique globale en trois dimensions inédites. Celle-ci est répartie mensuellement et se base sur le lien entre les données et les simulations climatiques. Dans ce contexte, une simulation qui obéit certes aux lois de la physique, mais qui ne dispose d’aucune connaissance de la véritable météo, est ajustée à des observations réelles. La quantité de données utilisées est également nouvelle dans le cadre de l’étude : elle est nettement supérieure à celle utilisée dans d’autres reconstitutions.

Les reconstitutions permettent de mieux classifier les éventuels changements futurs du jet stream, tels qu’ils sont prévus par certains modèles climatiques.

Informations sur la publication :

Stefan Brönnimann, Jörg Franke, Veronika Valler, Ralf Hand, Eric Samakinwa, Elin Lundstad, Angela-Maria Burgdorf, Laura Lipfert, Lucas Pfister, Noemi Imfeld und Marco Rohrer (2025). Past hydroclimate extremes in Europe driven by Atlantic jet stream and recurrent weather patterns. Nature Geoscience.

URL: https://www.nature.com/articles/s41561-025-01654-y
DOI: 10.1038/s41561-025-01654-y

Centre Oeschger pour la recherche climatologique (OCCR)

Le Centre Oeschger pour la recherche climatologique (OCCR) est l’un des centres stratégiques de l’Université de Berne. Il réunit des chercheuses et des chercheurs de 14 instituts et quatre facultés. L’OCCR mène des recherches interdisciplinaires au tout premier plan en matière de climatologie. Le Centre Oeschger a été fondé en 2007 et porte le nom de Hans Oeschger (1927-1998), un pionnier de la recherche climatique moderne qui travaillait à Berne.
Pour de plus amples informations, rendez-vous ici : www.oeschger.unibe.ch

Projet de recherche PALEO-RA

La reconstitution du climat du passé est une tradition à l’Université de Berne. Depuis environ 135 ans, des chercheuses et chercheurs utilisent des documents historiques, auxquels se sont ajoutées ultérieurement des archives climatiques naturelles en tant que source de connaissances sur le climat passé. Ces données sont nécessaires étant donné que les phénomènes météorologiques sont mesurés systématiquement seulement depuis le milieu du 19ème siècle. Les mesures de MétéoSuisse ont par exemple commencé en 1863. Dans le cadre du projet PALAEO-RA, les chercheuses et chercheurs combinent une modélisation numérique et des techniques mathématiques avec des données historiques à caractère documentaire, ainsi que des analyses dynamiques, afin de créer une reconstitution complète du climat mondial des six derniers siècles.
Pour de plus amples informations, rendez-vous ici : https://www.palaeo-ra.unibe.ch/

27.02.2025