Maintenir les éoliennes en stand-by lorsque le vent est faible réduit le risque de collision des chauves-souris
Le rapide développement de l’énergie éolienne n’est pas sans danger pour les oiseaux et les chauves-souris. Des chercheurs suisses, sous l’égide de l’Université de Berne, montrent, en reconstituant les profils verticaux d’activité des chiroptères, que si l’on n’exploite pas les turbines éoliennes lorsque la vitesse de vent est inférieure à 5.4 m/s, on évite 95% des risques de collision des chauves-souris avec les pales. Cette mesure de protection est à la fois facile à mettre en œuvre et efficace, tout en n’entraînant qu’une perte marginale de production d’électricité.
La production d’électricité d’origine éolienne vit un boum sans précédent, mais ceci n’est pas sans conséquence sur certains animaux volants. Les oiseaux et les chauves-souris peuvent entrer en collision avec les pales des éoliennes, dont la vitesse à l’extrémité peut dépasser les 300 km/h. On cherche des solutions pour minimiser tant que possible cet impact qui peut avoir des conséquences funestes pour les populations des espèces les plus rares et menacées.
Un groupe de recherche de l’institut d’Ecologie et Evolution de l’Université de Berne, avec la participation de l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, est parvenu à reconstituer les profils verticaux de vol des chauves-souris en fonction de la vitesse du vent. Pour ce faire, ils ont disposé des détecteurs d’ultrasons le long de câbles tendus entre le sol et le sommet d’une grue téléscopique, jusqu’à 65 m de hauteur. En extrapolant aux altitudes supérieures les profils de vol ainsi obtenus, ils démontrent, premièrement, que seules quelques rares espèces de chauves-souris sont actives – en temps normal (pas de vent ou vent faible) – aux altitudes balayées par les pales (50-150 m) et que, deuxièmement, la plupart des espèces évitent de voler si haut lorsque la vitesse du vent dépasse les 5.4 m/s.
Le molosse de Cestoni particulièrement menacé
Dans la vallée du Rhône, où plusieurs éoliennes ont été érigées ou sont projetées, il n’y a qu’une espèce, rare, parmi les 19 enregistrées par les chercheurs qui court un risque bien réel de collision. Il s’agit du molosse de Cestoni, l’une des plus grandes chauves-souris d’Europe. Toutes les autres quittent les hauteurs pour chasser plus près du sol, notamment au couvert de la végétation, dès que l’intensité du vent augmente. Les chercheurs notent qu’au-dessus de 5.4 m/s de vitesse de vent il n’y a plus qu’une activité résiduelle (environ 5%) des chauves-souris aux altitudes critiques (50-150 m), par rapport à ce que l’on observe en conditions normales. Ceci signifie qu’en n’enclenchant les éoliennes que lorsque le vent est supérieur à environ 5 m/s, on évite la plupart des risques de collision avec des chauves-souris. Une telle mesure est facile à mettre en œuvre par les exploitants, d’autant plus qu’elle ne génère qu’une perte marginale de production d’électricité, celle-ci étant faible aux vitesses de vent inférieures à environ 5 m/s.
«Cette simple adaptation des conditions d’exploitation nocturne des éoliennes permettrait de limiter fortement les risques de collision des chauves-souris avec les pales», dit le professeur Raphaël Arlettaz, responsable de l’étude. Mais il ajoute: «Le seul hic est que, dans le Sud de la Suisse (Valais et Tessin), cette mesure doit être mise en œuvre, nuitamment, dès que la température atmosphérique est au-dessus du point de gel car le molosse de Cestoni est actif toute l’année, hiver compris, dès que la température est supérieure à 0°C».
Les chercheurs précisent que ces résultats ne s’appliquent qu’aux peuplements de chauves-souris indigènes. Il reste à démontrer que de telles mesures pourraient aussi être bénéfiques pour les chauves-souris migrant à travers notre pays (Jura, Alpes) où des parcs éoliens sont érigés ou vont voir le jour.
Publication:Wellig SD, Nusslé S, Miltner D, Kohle O, Glaizot O, Braunisch V, Obrist MK & Arlettaz R (2018): Mitigating the negative impacts of tall wind turbines on bats: vertical activity profiles and relationships to wind speed. PLOS ONE, PLoS ONE 13(3):e0192493 http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0192493 |
21.03.2018